Je joue des couleurs
en leur donnant forme.
Comment j'en suis arrivée à créer de l'art abstrait
Au terme de ma formation aux Beaux-Arts de Tokyo, je me suis progressivement, et tout naturellement, détournée de la figuration. A mon arrivée en France, avec la découverte de ses paysages, de ses villes et musées, ma palette s'est éclaircie. Les nouvelles couleurs et lumières m'ont enchantée. Sans ambages, j'ai adopté la non-figuration.
Je me souviens de l'un de mes premiers tableaux abstraits réalisés en France. Intitulé "Rêve de Suède", je l'avais présenté à un concours. Le jury, présidé par le conservateur en chef du
Musée National d'Art Moderne, Bernard Dorival, (c'était donc sérieux!) lui a décerné le Premier Prix. L'année suivante, en 1967, soumission d'un nouveau tableau.
Rebelote: Premier Prix. Une sorte d'approbation de ma voie entamée? En tout cas, je ne l'ai plus quittée depuis.
Sur mes toiles, je fais résonner des accords et des tensions entre les couleurs, entre les formes, entre le net et le flou, le transparent et l'opaque, le plein et le vide. Je voudrais bien que celui qui regarde le résultat ne remarque pas la complexité de ce travail, et qu'il éprouve simplicité, force et beauté.
En composant mes images, en faisant donc parler formes, couleurs, matières, je ne recours pas à des représentations, ne raconte pas des histoires, ne fais pas de mystères, ni de la décoration. La beauté d'une œuvre rime pour moi avec caractère, équilibre, droiture, limpidité, justesse.
La non-figuration m'offre donc des possibilités de composition inépuisables.
Et la joie de création qui s'en suit.
Ma démarche en bref
Si je pratique ce qu'on appelle généralement l'art abstrait, ce n'est pas au sens premier du terme. Je ne pars pas d'une portion du monde visible (figure, objet, paysage…) dont j'abstrairais, détacherais des éléments en vue d'une sublimation, métamorphose, trans-figuration.
Mon approche de l'abstraction consiste à mettre en oeuvre des formes et des couleurs sans réprise de figures ou configurations de la réalité. Créer un petit univers propre. Je veux fonder la composition de l'image sur mon intuition du beau, sur mon expérience, et un peu sur mon état d'âme du moment.
Le résultat, soumis au regard d'autrui, pourrait être perçu comme une ouverture, une opposition, un dépaysement …